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La clause de tacite reconduction d’un contrat ne s’applique pas à un CE si le prestataire ne l’a pas informé préalablement par écrit

Le 27 avril 2011, le CE de la société M. conclut avec un prestataire un engagement de 24 mois, renouvelable par tacite reconduction, lui donnant accès à une offre culturelle en ligne. Le 24 avril 2013, le comité d’entreprise notifie à son cocontractant la résiliation de son contrat en se prévalant des dispositions de l’article L. 136-1 du Code de la consommation.
Mais le 19 mai 2014, estimant que le CE est toujours lié contractuellement, la société l’assigne en paiement d’une somme correspondant au service annuel de la prestation convenue.
Ce qu’en disent les juges
Pour le prestataire, comme la date butoir pour résilier le contrat initial n’a pas été respectée, il estime que le CE est de nouveau engagé pour 12 mois.
Mais ce n’est pas l’avis de la Cour de cassation qui estime que le comité d’entreprise doit être protégé par le Code de la consommation en tant que non-professionnel. Et la Cour d’énoncer que lorsqu’il gère les activités sociales et culturelles, « le comité d’entreprise agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre d’une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ».
Conséquence : il bénéficie des dispositions de l’article L. 136-1 du Code de la consommation.
D’après cet article, tout professionnel prestataire de services qui a conclu avec un consommateur ou un non-professionnel un contrat à tacite reconduction doit l’informer par écrit, avant l’arrivée du terme, de la possibilité de ne pas reconduire le contrat. Il doit le faire au plus tôt 3 mois et au plus tard 1 mois avant la fin de la période dont dispose le consommateur ou le non-professionnel pour faire savoir qu’il ne souhaite pas se réengager. Si le professionnel ne respecte pas cette formalité, son cocontractant peut, à tout moment, mettre un terme au contrat tacitement reconduit. Autrement dit, la tacite reconduction ne joue plus.
* Cass.soc.15 juin 2016,n°15-17.369
(le CE agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre d’une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, en sorte que, non-professionnel, il bénéficie des dispositions des dispositions protectrices du code de la consommation)




Les gratifications des stagiaires et les indemnités de rupture prises en compte pour le calcul du budget du CE

Aujourd’hui encore, beaucoup d’employeurs continuent à calculer les budgets du comité d’entreprise en partant de la masse salariale qui figure dans la Déclaration Annuelle des Données Sociales (DADS).
Remarque : cette DADS sert à récapituler les effectifs de l’entreprise et les rémunérations brutes versées aux salariés sur lesquelles sont calculées les cotisations sociales. Elle est destinée à disparaître progressivement en 2016 au profit d’une autre déclaration qui sera mensuelle, la Déclaration Sociale Nominative (DSN).
Ils ne devraient pas.
La jurisprudence l’a déjà dit plusieurs fois, la masse salariale brute servant à calculer le budget de fonctionnement (Cass. soc., 9 juill. 2014, n° 13-17.470) et le budget des activités sociales et culturelles du comité d’entreprise (Cass. soc., 20 mai 2014, n° 12-29.142) est celle qui correspondant au compte 641 Rémunérations du personnel.
Les gratifications versées aux stagiaires, ça compte
Tout en rappelant qu’il faut bien aller chercher la masse salariale dans le fameux compte 641, une nouvelle jurisprudence vient préciser, semble-t-il pour la première fois, que les gratifications versées aux stagiaires entrent dans l’assiette de calcul des budgets CE.
Remarque : ici, l’employeur avait fait valoir que les stagiaires n’étaient pas salariés et que les gratifications qui leurs étaient versées ne constituaient pas des salaires. Pour lui, cela l’autorisait à les retrancher du compte 641 avant de calculer ce qu’il devait au CE. Les juges n’ont pas admis l’argument, on ne touche pas au compte 641.
L’employeur doit même tenir compte des provisions
Dans cette affaire, le CE à l’origine du contentieux reprochait aussi à l’entreprise d’avoir soustrait de la masse salariale brute les estimations de bonus, de rémunérations variables des commerciaux et de congés payés ainsi que les provisions pour primes de vacances.
L’employeur faisait quant à lui valoir qu’une provision comptable, « qui est un passif dont l’échéance ou le montant n’est pas fixé de façon précise et qui ne constitue pas une dépense effective de l’exercice, n’a pas à entrer dans l’assiette des subventions versées au comité d’entreprise, constituée des sommes effectivement payées au cours de l’exercice concerné ».
L’argument n’est pas retenu par les juges, il est décidé que « les provisions à valoir sur toutes sommes de nature salariale, devaient être incluses dans la masse salariale brute ».

Sans oublier les différentes indemnités de rupture
Toujours dans sa logique de ne tenir compte que des sommes effectivement versées en rémunération du travail et d’écarter celles destinées à indemniser la perte de l’emploi, l’employeur avait par ailleurs déduit de la masse salariale brute les différentes indemnités liées à la rupture des contrats de travail. A savoir, les indemnités légales et conventionnelles de licenciement, les indemnités de préavis et les indemnités de départ ou de mise à la retraite. A tort !
Comme le rappelle la Cour de cassation, il convient bien d’exclure de la masse salariale les sommes dues au titre de la rupture du contrat de travail, à l’exception des indemnités légales et conventionnelles de licenciement, de retraite et de préavis.
Il est également précisé « que seules les indemnités transactionnelles, dans leur partie supérieure à celles correspondant aux indemnités légales et conventionnelles, n’entrent pas dans le calcul de la masse salariale brute ».
* Cass.soc.31 mai 2016, n°14-25.042




Calculer les subventions dues au comité d’entreprise en présence de salarié mis à disposition dans un autre établissement

Dans une décision de la Cour de Cassation du 31 mai 2016, le comité d’établissement avait saisi le tribunal de grande instance afin d’obtenir la condamnation de l’employeur à lui verser un rappel sur les sommes lui étant dues au titre de la subvention de fonctionnement et de la contribution patronale aux activités sociales et culturelles. Il faisait valoir, notamment, qu’il fallait inclure dans la masse salariale brute servant au calcul des subventions, les rémunérations versées aux salariés mis à disposition d’autres entreprises mais qui dépendaient toujours de leur entreprise d’origine.
Le Comité d’établissement obtint gain de cause devant les juges du fond qui estimèrent que les salariés détachés, ou mis à disposition d’une autre entreprise, ont vocation à être réintégrés au sein de leur société d’origine à l’issue de leur détachement ou de leur mise à disposition. Dès lors, le comité d’établissement de la société d’origine a toujours vocation à exercer pleinement ses attributions à l’égard de ceux-ci.
Cependant, la haute juridiction ne suit pas le même raisonnement, elle fait observer que pendant le temps de leur mise à disposition, les salariés sont présumés être intégrés, de façon étroite et permanente, à la communauté de travail de l’entreprise d’accueil. Conséquemment, « il appartient au comité d’entreprise de l’employeur d’origine qui sollicite la prise en compte de leurs salaires dans la masse salariale brute servant au calcul de la subvention de fonctionnement et de la contribution aux activités sociales et culturelles, de rapporter la preuve que, malgré leur mise à disposition, ces salariés sont demeurés intégrés de façon étroite et permanente à leur entreprise d’origine »
Notons que, dans un arrêt du 9 juillet 2014 (n° 13-17470), la chambre sociale avait déjà précisé qu’il appartenait à l’employeur d’accueil, qui invoque l’absence d’intégration étroite et permanente des salariés mis à disposition de son entreprise, d’en rapporter la preuve pour s’opposer à leur prise en compte dans le calcul de la masse salariale brute servant au calcul de la subvention de fonctionnement versée au comité d’entreprise.
La solution du 31 mai 2016 est donc le parfait reflet de l’arrêt du 9 juillet 2014.
* Cass.soc.31 mai 2016, n°14-25.042




L’absence du budget de fonctionnement est un délit d’entrave au fonctionnement du CE

Un nouvel arrêt de la Cour de Cassation ch. Criminelle 15 mars 2016 – précise que l’impossibilité pour le CE de connaître et de vérifier la subvention de fonctionnement constitue le délit d’entrave.
Le délit d’entrave au fonctionnement du comité d’entreprise, prévu par l’article L.2328-1 du Code du Travail, est constitué tant par l’abstention volontaire de verser au comité d’entreprise, sous l’une des formes prévues par le texte, la subvention de fonctionnement prévue par l’article L.2325-43 du même code, que par les pressions ou menaces exercées sur certains membres du comité d’entreprise, ainsi que par l’impossibilité pour celui-ci de connaître et de vérifier la dotation de fonctionnement effectivement versée par l’employeur au titre de son obligation légale.
*Cass.crim 15 mars 2016, n°14-87.989




Financer les formations DP/DS sur le budget de fonctionnement

Jusqu’à une époque très récente, il était strictement interdit au comité d’entreprise d’utiliser son 0,2 pour payer une formation aux délégués du personnel ou aux délégués syndicaux de l’entreprise (Cass. soc., 27 mars 2012, n° 11-10.825).

Les choses viennent de changer, c’est l’oeuvre de la loi Travail du 8 août 2016.

Désormais, le code du travail prévoit que le CE peut décider de consacrer une partie de son budget de fonctionnement au financement de la formation des délégués du personnel et des délégués syndicaux de l’entreprise (article L. 2325-43).

Cette décision doit être prise en réunion, par adoption d’une délibération à la majorité des membres présents. Il faut donc le prévoir dans l’ordre du jour.

Par ailleurs, la somme consacrée à de telles formations et ses modalités d’utilisation doivent être inscrites, d’une part, dans les comptes annuels du comité d’entreprise et, d’autre part, dans son rapport annuel d’activité et de gestion.

Attention! : Il est et il reste interdit pour le CE d’allouer à chaque section syndicale de l’entreprise une subvention qui pourrait librement être utilisée à des fins purement syndicales.




Les nouvelles obligations comptables des Comités d’Entreprise

La loi n° 2014-288 du 5 mars 2014, relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale comporte, sans son article 32, des dispositions qui soumettent les comités d’entreprise à de nouvelles obligations afin de garantir leur transparence financière.

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Par Delphine LUBRANI & Karim BANGOURA




L’organisation administrative et comptable: un facteur clé pour fiabiliser les états financiers

La gestion des Comités d’Entreprise est une tâche complexe qui implique le respect d’une organisation comptable stricte et de règles de procédures adaptées. Celles-ci peuvent varier selon la taille du comité, la nature de ses activités et les choix d’organisation qu’il aura retenus.

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Par Karim BANGOURA & Xavier HUAULT-DUPUY




Les nouvelles missions de l’expert-comptable du comité d’entreprise introduites par la « loi sur la sécurisation de l’emploi »

En l’espace de trente ans, le champ des missions d’expertise au bénéfice du comité d’entreprise s’est considérablement élargi.  La loi de sécurisation de l’emploi pérennise et complète  ce mouvement de fond.

Les « lois Auroux » ont donné un nouvel élan aux comités d’entreprise (CE) en élargissant leurs champs, leurs prérogatives dans le domaine économique et leurs moyens. En particulier, la loi du 28 octobre 1982 a prévu que tout CE peut, s’il l’estime utile, se faire assister d’un expert- comptable (EC) de son choix, rémunéré par l’entreprise, dans les cas suivants : l’examen des comptes annuels et prévisionnels, un projet de licenciement pour motif économique d’au moins 10 salariés, et l’examen de la réserve spéciale de participation. La loi du 1er mars 1984 a rajouté la procédure de droit d’alerte du CE et prévu une mission de l’EC à cette occasion (voir Cahier n° 122 janvier 2013). Depuis, seule la loi sur les Nouvelles Régulations Économiques (mai 2001) est venue élargir ce champ d’intervention aux opérations de concentration. En revanche, le contenu des missions du CE s’est considérablement enrichi sous l’impulsion des EC et des représentants du personnel, et cette pratique a été confortée par la jurisprudence. Dans ce contexte, la « Loi sur la Sécurisation de l’Emploi » (LSE), transcrivant les dispositions de l’ANI du 11 janvier 2013, marque un tournant. Elle introduit de nombreux changements : droits nouveaux pour les salariés, individuels et collectifs, assortis de contreparties en faveur de l’entre-prise en période de faible activité économique ou en cas de restructuration, notamment. Parmi eux, on s’intéressera tout particulièrement aux nouveautés en matière de prérogatives économiques des CE et aux nouvelles missions d’expertise comptable et d’accompagnement des organisations syndicales. Après avoir décrit les principales caractéristiques de ces nouvelles missions aussi bien en termes de contenu que de délai et de financement, nous essaierons d’imaginer les modifications possibles du contenu de la mission de l’EC et les articulations envisageables de ces différentes missions avec les missions légales déjà existantes.

LES MISSIONS NOUVELLES INTRODUITES PAR LA LSE

Stratégie / Base de Données Unique (BDU)

La LSE prévoit une nouvelle consultation annuelle du CE sur les orientations stratégiques de l’entreprise et leurs conséquences sur l’activité, l’emploi, l’évolution des métiers et des compétences, le recours à la sous- traitance, à l’intérim et aux contrats temporaires.

Dans ce cadre, elle prévoit une nouvelle modalité de partage de l’information avec les représentants des salariés dans les domaines économiques et sociaux, à travers la mise en place d’une base de données unique qui doit servir de support à la nouvelle consultation. Cette base de données devra regrouper de manière à la fois actualisée et prospective les données relatives à : l’investissement (social, matériel et immatériel), les fonds propres et endettement, les rétributions des salariés et dirigeants, les activités sociales et culturelles, la rémunération des financeurs, les flux financiers à destination de l’entreprise (notamment aides publiques et crédits d’impôts), la sous- traitance, et les transferts commerciaux et financiers entre les entités du groupe. Le contenu de ces rubriques sera déterminé par un décret en Conseil d’État et pourra être adapté par un accord de branche ou d’entreprise ou, le cas échéant, un accord de groupe, en fonction de l’organisation et du domaine d’activité de l’entreprise. Les informations fournies devront porter sur l’année en cours, les deux années précédentes et intégrer des projections sur les trois années suivantes. Cette base de données doit être mise en place dans un an à compter de la promulgation de la loi dans les entreprises de 300 salariés et plus et de deux ans dans les entreprises de moins de 300 salariés.

Dans ce cadre, un nouveau droit de recours à l’expertise est introduit dans les textes, pour appuyer le CE dans le cadre de cette information consultation et dans l’appréciation des enjeux économiques et sociaux des orientations stratégiques de l’entreprise. Cette nouvelle mission légale s’ajoute aux précédentes et ne s’y substitue pas.

La loi prévoit un encadrement des délais d’expertise. L’EC remet son rapport dans un délai « raisonnable » fi xé par un accord entre l’employeur et le CE ou, à défaut d’accord, par décret en Conseil d’État. Ce délai ne peut être prorogé que d’un commun accord. L’accord ou, à défaut, le décret en Conseil d’État, détermine également le délai dans lequel l’EC désigné par le CE peut demander à l’employeur toutes les informations qu’il juge nécessaires à la réalisation de sa mission et le délai de réponse de l’employeur à cette demande.

Le mode de financement de cette mission constitue égale-ment une nouveauté. Sauf accord entre l’employeur et le CE, le comité contribue, sur son budget de fonctionnement, au financement de cette expertise à hauteur de 20 %, dans la limite du tiers de son budget annuel. Ce mode de financement est nouveau puisque les missions légales sont habituellement financées exclusivement par l’employeur. À travers cette nouvelle mission, les partenaires sociaux et le législateur ont cherché à repositionner le CE et son EC sur des dimensions de prospective et d’anticipation pluriannuelles en dehors de tout contexte de crise. Les missions sur les comptes prévisionnels servaient jusqu’ici de véhicule à ces travaux mais se limitaient bien souvent aux prévisions initiales et révisées de l’année en cours. Dans cette nouvelle mission, l’EC aura pour rôle dans un premier temps d’éclairer le CE sur la pertinence et l’exhaustivité de la base de données proposée par l’em-ployeur, voire d’aider à son enrichissement. L’EC devra ensuite développer une analyse stratégique plus large en s’appuyant sur les informations de même nature qu’il obtiendra par ailleurs sur l’entreprise.

Accord de maintien de l’emploi

La LSE vise également à renforcer les outils permettant de maintenir l’emploi dans l’entreprise dans une conjoncture difficile, par une refonte du dispositif de chômage partiel (ou activité partielle) d’une part, et par la création des accords de maintien de l’emploi, d’autre part.

Ainsi, la LSE institue une nouvelle catégorie d’accords d’entreprise, les accords de maintien dans l’emploi. Elle prévoit, pour des entreprises qui auraient de graves difficultés économiques conjoncturelles et sur la base d’un diagnostic partagé avec les organisations syndicales, de pouvoir mettre en place un accord jouant sur la durée du travail, l’organisation du travail et la rémunération des salariés. En contrepartie, l’employeur s’engage à maintenir les emplois pendant la durée de validité de l’accord (deux ans maximum).

Si les entreprises pouvaient déjà conclure des accords aménageant la durée du travail et ajuster à la baisse la rémunération des salariés en cas de difficultés économiques, il n’existait pas à ce jour de dispositions de nature législative ou réglementaire encadrant le recours à ce type d’accords. Les conditions de validité de l’accord sont désormais clairement défi nies dans la loi. Il doit s’agir notamment d’un accord majoritaire et temporaire (deux ans au plus). La baisse du salaire éventuellement prévue dans cet accord ne peut pas avoir pour effet de ramener celui du salarié à un niveau inférieur à 1,2 Smic. Il doit contenir des dispositions sur les efforts des dirigeants salariés et sur ceux des mandataires sociaux et des actionnaires. Enfin, il doit prévoir les modalités de l’organisation du suivi de l’évolution de la situation économique de l’entreprise et de la mise en œuvre de l’accord. Lors de la négociation de ces accords, la loi prévoit qu’un EC peut être mandaté par le CE pour accompagner les organisations syndicales dans l’analyse du diagnostic et dans la négociation.

Le financement et les délais d’intervention de l’EC dans le cadre des accords de maintien de l’emploi entrent dans le champ des missions légales. Par conséquent, les conditions habituelles de financement des missions légales s’appliquent. En revanche, les délais d’intervention sont à adapter à l’objet de la mission. Celle- ci ne peut commencer qu’à l’ouverture d’une négociation sur un accord de maintien de l’emploi. L’aide à la construction d’un diagnostic suppose la remise d’un rapport par l’expert en amont de la conclusion de l’accord afin de permettre un positionnement éclairé des partenaires sociaux. Ensuite, la mission se prolonge jusqu’à la signature de l’accord et, si l’accord le prévoit, peut se poursuivre au- delà notamment dans le cadre du suivi de l’évolution économique de l’entreprise prévu dans l’accord.

Le contenu de ces nouvelles missions est particulièrement exigeant. L’EC devra dans un premier temps aider à établir un diagnostic et notamment apprécier si l’on est en présence de graves difficultés économiques conjoncturelles. Il s’agit là d’un motif différent du motif économique de licenciement (difficultés économiques, mutations technologiques, sauvegarde de la compétitivité) qu’il va falloir définir dans l’attente d’éventuelles précisions jurisprudentielles. L’EC devra également exprimer une opinion sur le projet proposé par la direction de l’entreprise pour faire face à ces difficultés conjoncturelles et sur le lien qui est établi avec l’emploi ou le coût du travail. Enfin, il devra aider à définir des indicateurs économiques et sociaux de suivi de l’accord.

Il convient de rappeler que le juge du Tribunal de Grande Instance peut suspendre l’accord à la demande d’un des signataires s’il estime que les engagements souscrits, notamment en matière de maintien de l’emploi, ne sont pas appliqués de manière loyale et sérieuse, ou que la situation économique a évolué de manière significative.

Reprise de sites

Lorsqu’elles envisagent un projet de licenciement collectif ayant pour conséquence la fermeture d’un établissement, les entreprises de plus de 1 000 salariés ont l’obligation de rechercher un repreneur et d’en informer le CE dès l’ouverture de la procédure d’information et consultation.

Le CE est informé des offres de reprise formalisées. Les informations qui lui sont communiquées à ce titre sont réputées confidentielles. Le CE peut émettre un avis et formuler des propositions. Cet avis est remis dans les délais applicables à la procédure de consultation sur les licenciements économiques. Les actions engagées par l’employeur au titre de l’obligation de recherche d’un repreneur sont prises en compte dans la convention de revitalisation du bassin d’emplois.

Le CE peut recourir à l’assistance de l’EC désigné le cas échéant dans le cadre de la procédure de licenciements collectifs pour analyser le processus de recherche d’un repreneur, sa méthodologie et son champ, pour apprécier les informations mises à la disposition des repreneurs potentiels et pour analyser les projets de reprise.

Dans cette nouvelle mission également, les conditions habituelles de financement des missions légales s’appliquent. En revanche, les délais d’intervention sont à adapter aux caractéristiques de la mission. La nomination de l’EC doit pouvoir intervenir dès la réunion d’information consultation sur le projet de fermeture puisque l’EC n’intervient pas uni-quement sur l’examen des offres formalisées mais également en amont sur l’analyse du processus et de la méthodologie de recherche d’un repreneur.

Le contenu de cette nouvelle mission requiert également d’adapter l’ingénierie de mission. L’EC devra être à même tout d’abord de caractériser la consistance et la pertinence des moyens et de la méthodologie mis en œuvre pour rechercher un repreneur pour le site. À ce jour, la loi n’a pas prévu de sanction au non respect de cette obligation de recherche d’un repreneur. Mais, on peut penser que la Direccte intégrera ces dimensions dans le cadre de la procédure de l’homologation du PSE. L’EC devra enfin analyser et formuler un avis sur les projets de reprises qui seront formalisés.

COMMENT CES NOUVELLES MISSIONS MODIFIENT- ELLES L’ASSISTANCE DU CE PAR L’EC ?

En matière d’accès à l’information

La LSE institue des prérogatives économiques nouvelles en matière d’accès à l’information, notamment sur la stratégie de l’entreprise. Ces prérogatives modifient- elles substantiellement l’information des représentants du personnel sur la stratégie de l’entreprise ? Nous verrons que la réponse doit être nuancée.

La mission classique de l’EC, dite d’examen des comptes annuels, porte sur « tous les éléments d’ordre économique, fi nancier et social nécessaires à la compréhension des comptes et à l’appréciation de la situation de l’entreprise » (C. trav., art. L. 2325-35 et s.). Le plus souvent, cette mission d’examen des comptes annuels est en réalité une mission de diagnostic global de l’entreprise. En effet, la mission de l’EC porte sur :

– l’analyse de l’environnement économique de l’entreprise (incluant le cas échéant, l’entreprise dans son groupe d’appartenance), la position de l’entreprise sur ses marchés, etc. ;

– l’examen de la stratégie de l’entreprise voire son business plan ;

– l’analyse des ressources humaines (politique d’emploi, de formation, de rémunération,…).

Bien sûr, ce périmètre élargi de la mission d’examen des comptes annuels n’est :

– ni automatique : seul le degré d’exigence des représentants du personnel et l’ouverture de l’employeur permettent l’accès à ces informations économiques et stratégiques ;

– ni instantané : c’est souvent au fi l des missions successives, voire à la suite de recours judiciaires, que les comités d’entreprise ont obtenu l’accès à ces informations.

La communication des informations à caractère stratégique pose moins de difficultés dans les missions portant sur les comptes prévisionnels, compte tenu de l’objet même de cette mission. Il en est de même en cas de droit d’alerte ou de licenciements collectifs.

La LSE donne, en théorie, une base légale plus solide et systématise l’accès à certaines informations (stratégie, offres de reprise de sites). Cependant, la LSE encadre la réalisation des missions BDU et PSE dans des délais préfix (stricts et ne pouvant être interrompus). Ces délais préfix risquent, en pratique, de réduire considérablement les capacités d’accès à l’information stratégique de l’entreprise.

L’appui- conseil des organisations syndicales à la négociation

Le rôle d’appui- conseil à la négociation de l’EC est prévu par les partenaires sociaux et le législateur à travers les missions accords de maintien de l’emploi et désormais les procédures de licenciement qui passent par la recherche d’un accord. Cette dimension de conseil des

organisations syndicales en matière de négociation

est une pratique courante de longue date, et notamment dans les contextes suivants :

– accords de méthode conclus entre le CE et la Direction et préalables à une procédure de licenciement collectif ;

– négociations portant sur le contenu des mesures sociales d’accompagnement dans le cadre d’un PSE ;

– à l’occasion des NAO, ou en cas de conclusion d’un accord d’intéressement ou d’un accord dérogatoire de participation.

La loi de sécurisation consacre ces pratiques. Ces missions d’appui- conseil à la négociation sont des conseils à forte valeur ajoutée. Dans ces situations, le regard de l’expert comptable porte sur les dimensions économiques et sociales et doit nécessairement s’accompagner des conseils avertis de l’avocat du CE dans l’élaboration du contenu des accords.

CONCLUSION

Comment les CE vont- ils appréhender toute ces offres de missions d’expertise ? Il convient de distinguer les situations de continuité d’exploitation et les contextes de difficultés économiques ou de restructuration.

Dans un contexte de continuité d’exploitation, l’offre de mission à la disposition du CE est constituée par : les comptes annuels, les comptes prévisionnels et l’analyse de la BDU. Ces trois missions présentent des zones de recouvrement quant à leurs champs d’application. En effet, les données incluses dans la BDU englobent nécessairement les périodes couvertes par les comptes annuels et prévisionnels. Il est trop tôt pour savoir si la mission BDU risque de « cannibaliser » les missions traditionnelles d’examen des comptes annuels et prévisionnels. Cela dépendra en partie du contenu précis qui sera donné à cette base de données à la fois en termes quantitatifs mais surtout qualitatifs. La prise en charge d’une partie des honoraires de la mission d’examen de la BDU par le CE et les délais contraints de réalisation de cette mission pourraient également entrer en ligne de compte dans les choix du CE. Deux scénarios d’évolutions possibles peuvent être anticipés :

– les missions traditionnelles d’examen des comptes annuels et prévisionnels sont maintenues dans leur périmètre actuel avec une mission BDU qui viendrait enrichir (notamment sur l’avenir à moyen terme) les informations dont dispose le CE et son expert ;

– les missions traditionnelles sont progressivement dé-pouillées de leur contenu « extra- comptable », qui serait alors rebasculé sur la BDU. Ce cas de fi gure est assez caractéristique d’un dialogue social tendu.

La jurisprudence aura sans doute un rôle important à jouer pour bien délimiter les champs respectifs de ces différentes missions.

Dans un contexte de crise, il convient de distinguer la phase amont de la restructuration proprement dite et ses consé-quence sur la pérennité du (des) site(s) visé(s) par l’opéra-tion. Dans la phase amont, bien que non exclusive l’une de l’autre, les missions d’accords de maintien de l’emploi et de droit d’alerte s’inscrivent dans des logiques syndicales relative-ment opposées. En effet, alors que l’entrée en négociation en vue de maintenir l’emploi est plutôt synonyme d’acceptation de la situation de diffi culté de l’entreprise présentée par la Direction, le déclenchement d’un droit d’alerte par le CE est au contraire inspiré par une interrogation sur la réalité de la situation économique de l’entreprise et sur la volonté de la Direction de redresser la situation.

Ainsi, une posture de compromis pourrait consister, pour le CE et les organisations syndicales, à privilégier le dialogue social pour trouver des solutions qui conviennent à l’ensemble des parties (accords de maintien de l’emploi). Le droit d’alerte serait alors privilégié dans les situations plus « combatives ». Mais, on peut également imaginer qu’un droit d’alerte puisse à son terme, dans certains cas, se transformer en accord de maintien de l’emploi si de graves difficultés économiques conjoncturelles sont mises en évidence.

Pour ce qui est de la phase aval (PSE, reprise de site), la question ne se pose pas en termes de stratégie de négociation car les deux missions sont plus complémentaires que concurrentes. On peut par conséquent s’attendre à ce que le recours à l’aide à la négociation de reprise de site soit systématisé dans les procédures de restructurations, toutes les fois que cette question se trouve posée. Enfin, on peut envisager que dans les missions PSE, les accords de maintien de l’emploi deviennent de plus en plus des alternatives économiques étudiées par les partenaires sociaux et leur EC lorsque le caractère conjoncturel des difficultés économiques est démontré. ■

Par Karim Bangoura (Expert comptable, membre de la « Commission Non Marchand » de l’Ordre des experts comptables de Paris) et Toufik Saada (Expert comptable, membre de la « Commission Non Marchand » de l’Ordre des experts comptables de Paris)